A la rencontre de Maboula Soumahoro
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Maîtresse de conférences en civilisation du monde anglophone à la Faculté des Tanneurs depuis 2009, Maboula Soumahoro partage ses expériences et ses opinions sur l'égalité.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Maboula Soumahoro, je suis maîtresse de conférences en civilisation du monde anglophone. En poste de titulaire depuis 2009, j’avais enseigné entre 2005 à 2007 en tant qu’ATER à l’université de Tours et y avais également été étudiante en DEA et en doctorat. Cela fait donc longtemps que je suis à Tours, bien qu’originaire de la région parisienne. Une partie de mon second cycle s’est déroulée aux Etats Unis et lorsque j’arrive à Tours en tant que doctorante, j’enseignais déjà là-bas. Je m’intéresse à l’histoire et aux cultures du monde anglophone, aux Etats Unis et en Angleterre, à la communauté africaine américaine, au concept de diaspora noire ou africaine c’est-à-dire aux personnes d’ascendance africaine, proche ou lointaine, qui ont été dispersées dans le monde dans le cadre de la traite négrière transatlantique. Tout mon parcours s’est fait à l’université. Angliciste de formation, j’ai dépassé les barrières linguistiques du fait de mon intérêt pour la diaspora africaine.
Enfant, vous vouliez faire quoi ?
Je crois que je voulais être docteure pour travailler dans l’humanitaire, plus par mimétisme que par réelle envie, d’autant que je n’étais pas très douée dans les matières scientifiques. Après, quand je suis arrivée au collège, j’ai voulu devenir prof d’anglais pour les collèges et les lycées car je suis tombée amoureuse de cette langue. Et puis, en arrivant à l’université, j’ai compris que je pouvais aller plus loin, plus loin que la langue elle-même et je me suis engagée dans le parcours pour y enseigner. J’aime le double statut d’enseignante et de chercheuse : pouvoir rencontrer des collègues à travers le monde, aller dans des colloques, enseigner à des étudiants qu’on n’a pas à discipliner, être autonome.
Avez-vous vu une évolution de l’enseignement supérieur et de la recherche du point de vue de l’égalité depuis 2009 ?
Les choses sont pensées mais je n’ai pas encore vu les effets concrets. J’ai vu en tant qu’élève bénéficiaire, les actions menées par le CROUS, mais entendre parler de l’égalité en tant que telle, pas vraiment. Je me souviens de la mission handicap et de sa création en 2010 car j’avais proposé de devenir référente et l’ai été pendant 2-3 ans. Cette expérience s’est révélée décourageante car je n’avais pas l’impression d’apporter grand-chose aux étudiants en situation de handicap, malgré l’énergie déployée. Les moyens mis en œuvre par l’université n’étaient pas à la hauteur des enjeux.
Quelle est votre vision de l’égalité et comment y arriver ?
C’est une question complexe et profonde. Ce qui me frappe d’abord, ce sont les inégalités entre établissements : j’ai travaillé à Sciences po et ce ne sont pas les mêmes conditions de travail pour les étudiants. J’avais accès, avec mes étudiants, à des outils numériques alors que les étudiants de l’université en sont toujours au papier et au crayon ! Bien sûr, les frais de scolarité ne sont pas les mêmes mais lorsque ces étudiants arriveront sur le marché du travail, ce sont bien les étudiants de sciences po qui l’emporteront. C’est une question de distribution des richesses. Quand au moment de la pandémie, j’ai vu des étudiants fouiller dans leur téléphone car c’était leur seul outil numérique, j’ai vu cette différence.
Que devraient faire les universités pour garantir l’égalité des chances ?
Elles font ce qu’elles peuvent. J’ai l’impression qu’on déploie beaucoup d’énergie à parler de l’égalité mais qu’on ne fait pas grand-chose pour la mettre réellement en œuvre. Les moyens sont ils vraiment mis au service de ces missions ? Il ne faudrait pas que les choses dépendent seulement des individus mais que la volonté de faire de l’égalité se traduise par une réelle institutionnalisation de ces missions.
Avez-vous vu des choses similaires à l’étranger ? Oui, aux Etats Unis, j’ai le souvenir de personnes en charge de ces sujets. Là encore, tout est question de moyen et toutes les universités américaines ne proposent pas les mêmes facilités. La formation des personnes en charge de l’égalité doit être encouragée car on ne peut intervenir sur ces sujets sans expertise.
Que voudriez voir évoluer au sein de l’université de Tours et dans l’enseignement supérieur et la recherche pour amener plus d’égalité ?
Des refontes disciplinaires devraient avoir lieu, il faudrait faciliter la collaboration, donner plus de moyens, plus de place pour travailler, décloisonner les esprits, les milieux, veiller à l’accessibilité des locaux pour toutes et tous. J’ai des idées mais je ne suis pas faiseuse. Beaucoup de gens font des choses, à la marge mais le mainstream ne fonctionne pas comme ça. Veut-on vraiment l’égalité ? Certaines personnes ne la souhaitent pas car elle les dépossèderait de certains privilèges ce que je peux comprendre. A-t-on un intérêt commun ? Peut-on aborder les choses en dehors du prisme de la perte ? On aurait peut-être à penser qu’on y gagnerait plus tous ensemble que d’imaginer des pertes individuelles ? Je suis une rêveuse.
Que diriez vous aux femmes aujourd’hui pour ne pas abandonner ?
Elles ont droit de faire des choses pour elles-mêmes et ont le droit d’exister et de reconnaitre ce désir en elle. Il n’a pas à être limité par quelques injonctions que ce soit. Ça ne fait pas d’elles de mauvaises femmes. Si elles ont le goût pour le savoir, la chose intellectuelle, elles ont le droit. Elles ont droit d’être femme comme elles veulent et ce n’est pas parce que personne ne l’a encore fait, que ce n’est pas possible. C’est peut-être à elle de l’inventer et de l’incarner. Et maintenant c’est possible et on passe à d’autres possibles. Que les gens fassent ce qu’ils veulent : quand on a une passion, je trouve terrible de devoir s’en priver ou de s’en faire priver. Tous ces rêves abandonnés, je trouve cela très triste. On peut vivre sans vivre ses rêves, mais quel dommage. Il faut du courage pour aller au bout et résister aux règles de la société pour vivre sa vie. Ça a un coût mais ça en vaut la peine.
"Elles ont droit d’être femme comme elles veulent et ce n’est pas parce que personne ne l’a encore fait, que ce n’est pas possible."
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